Le sicilien by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-02-07T13:39:23+00:00

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LA garnison de Montelepre avait été portée à plus de cent carabiniers et les rares fois où Guiliano s’aventurait en ville pour passer une soirée en famille, il ne cessait de redouter une descente des forces de police.

C’est à l’occasion d’une de ces soirées, tandis qu’il écoutait son père évoquer le bon vieux temps en Amérique, que l’idée lui était venue. Le père de Salvatore buvait du vin et racontait des histoires avec un de ses vieux amis qui lui aussi avait vécu aux États-Unis avant de revenir au pays et les deux hommes se reprochaient mutuellement et d’un ton amical d’avoir fait cette bêtise. L’autre homme, un charpentier nommé Alfio Dorio, rappelait au père de Guiliano leurs premières années aux États-Unis, avant qu’ils entrent au service de Don Corleone, le Parrain. On les avait engagés pour participer à la construction d’un énorme tunnel passant sous un fleuve et aboutissant dans le New Jersey ou à Long Island, ils étaient en désaccord là-dessus. Ils se racontaient l’impression terrifiante qu’ils avaient en travaillant sous le fleuve et la crainte qui les tenaillait en songeant que les caissons pouvaient céder et qu’ils périraient noyés comme des rats. C’est à ce moment-là que l’idée vint soudain à Guiliano. Avec l’aide de quelques amis de confiance, les deux hommes pouvaient creuser un tunnel de la maison de ses parents au pied de la montagne sur une longueur d’à peine cent mètres. La sortie pourrait être dissimulée par les énormes blocs de granit et l’autre ouverture pourrait donner dans un placard ou sous le poêle de la cuisine. Si c’était réalisable, Guiliano pourrait aller et venir à son gré.

Les deux hommes lui dirent que c’était impossible, mais sa mère fut folle de joie à l’idée qu’il pourrait venir en catimini et passer les glaciales nuits d’hiver dans son lit. Alfio Dorio affirma qu’étant donné la nécessité de garder le secret, le nombre limité d’hommes à qui l’on pouvait se fier et l’obligation de ne travailler que de nuit, il faudrait trop longtemps pour achever le tunnel. Et d’autres problèmes se poseraient. Comment se débarrasser des déblais sans se faire remarquer ? Et à cet endroit le sol était caillouteux. Que faire s’ils tombaient sur un filon de granit ? Et si l’existence du tunnel était révélée par un des hommes l’ayant creusé ? Mais l’objection répétée des deux hommes était qu’il faudrait au moins un an pour mener cette tâche à bien. Et Guiliano comprit qu’ils rabâchaient cela parce qu’au fond d’eux-mêmes ils ne croyaient pas qu’il survivrait si longtemps. Et sa mère comprit la même chose.

« Mon fils vous demande de faire quelque chose qui peut l’aider à rester en vie, dit-elle. Si vous êtes trop paresseux pour le faire, moi je m’en charge. Nous pouvons au moins essayer. Qu’avons-nous à perdre d’autre que notre énergie ? Et que pourront dire les autorités si elles découvrent le tunnel ? Nous avons parfaitement le droit de creuser sur notre terre. Nous dirons que nous creusons un cellier pour les légumes et le vin.

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